Il y a quelque chose de profondément révélateur dans le processus de création photographique. Des heures passées à capturer le monde à travers mon objectif, une sélection minutieuse des clichés, mais, étonnamment, une grande partie de ces trésors visuels ne trouve jamais sa place dans mes créations finales.
Chaque photo que je prends est le résultat d'une connexion émotionnelle, d'une recherche de la quintessence de l'instant. Pourtant, au moment crucial du choix, de la construction narrative, beaucoup de ces images sont mises de côté. Pourquoi ce tri impitoyable, me demandez-vous ?
C'est un dilemme auquel tout photographe est confronté. La réalité est que toutes les photos, même celles qui sont techniquement impeccables, ne racontent pas une histoire aussi puissante qu'on l'espérait. Chaque cliché sélectionné doit contribuer à l'essence même de la narration visuelle que je m'efforce de créer.
Certains sont peut-être trop similaires, capturant une fraction de seconde de différence presque imperceptible. D'autres peuvent être victimes de la délicatesse de la lumière, d'une composition moins que parfaite ou simplement d'un manque d'émotion palpable.
La séparation d'avec ces images est un acte déchirant, car elles portent en elles une partie de mon regard, de mon expérience. Pourtant, dans cette sélectivité, réside la magie de la photographie en tant qu'art.
Chaque série a son propre fil conducteur, une histoire à raconter. Chaque photo choisie renforce le récit, apporte une nuance unique à l'ensemble. C'est un équilibre délicat entre l'abondance de possibilités et la nécessité de créer une expérience visuelle cohérente.
Ce tri sévère est également un acte d'autocritique, une quête perpétuelle de l'amélioration. Choisir seulement les images les plus puissantes, celles qui résonnent le plus profondément, est un défi que je m'impose constamment. Chaque image doit mériter sa place, apporter quelque chose d'essentiel à la table.
Les photos non sélectionnées ne sont pas pour autant oubliées. Elles restent des archives riches en mémoire, une banque de moments précieux qui peuvent resurgir dans un projet futur. Leur existence, bien qu'éclipsée pour le moment, contribue à l'évolution de ma vision artistique.
En fin de compte, cette révélation n'est pas une dévalorisation de ces photos écartées. Au contraire, c'est un hommage à la rigueur de la création artistique, à la constante quête de l'exceptionnel au sein de l'ordinaire. Car c'est dans cette discipline sélective que naissent les récits visuels les plus puissants, ceux qui transcendent le simple acte de regarder pour devenir une expérience à part entière.
Martin Gaudreault, artiste-photographe
Quelle belle réflexion! Et qui s'applique, à quelques nuances près, à plusieurs disciplines artistiques. Merci!
Monique LeBlanc